Ibn Taymiya répond à la question :
Où est Allah ?

(Partie I)


Le site « la croyance sunnite : le Tawhid » a publié un article datant du 12/01/2008 et dont voici l’énoncé :

Ibn Abi Zayd al-Qayrawani a dit dans son livre Kitab al-Jami` fi s-sounan wa al-adab wa l-maghazi wa t-tarikh, p.123:

« Un homme demanda à Malik : « O Abu Abd Allah [il récita le verset :] « al-Rahman ‘ala ‘arshi stawa » : Comment « istawa » ? ». L’imam Malik répondit : « L’istiwa n’est pas inconnu et le comment n’est pas concevable. (al-istawa ghayr majhou wa l-kayf ghayr ma’qoul) Poser la question à ce sujet est une innovation, et y croire est un devoir, et , je pense que tu fais partie des [mauvais] innovateurs» et le fit sortir »

Points à retenir de cette citation:

  • Ibn Abi Zayd al-Qayrawani est un grand savant malikite mort en 386 de l’Hégire soit il y a plus de 1000 ans.
  • Cette version est la version correcte aussi rapportée par adh-Dhahabi (dans ce site [1])
  • Dire que l’istiwa de ALLAH est sans comment revient donc à suivre la voie tracée par l’imam Malik lorsqu’il a dit :”Le comment est inconcevable”. Ce n’est pas la même chose que de dire “on ne sait pas comment”. Imam Malik n’a jamais dit ça.
  • Il existe plusieurs versions de ce hadith. Cependant, celle qui est rapportée ici est la plus fiable : elle est rapportée de plusieurs personnes différentes de la MEME façon quant au contenu, et ce dans plusieurs ouvrages. Cette version est sûre. L’imam Malik n’a JAMAIS dit al-istawa ma’loum wa l-kayf majhoul. Il n’a jamais dit “l’istawa est connu et son comment est inconnu” Il a “le comment n’est pas concevable”, c’est-à-dire : il n’y a PAS de comment.


  • Il est intéressant de constater que sept siècles plus tôt des savants malékites du Maghreb se rendirent en Egypte dans le but de poser certaines questions dogmatiques à Chaykh el-Islâm ibn Taymiya [2]. Elle tournait justement autour de « el-istiwâ ». Il leur donna une réponse dont ils se firent les courageux ambassadeurs, une fois de retour au pays. Cette fatwa d’une valeur historique fondamentale nous concerne à double titre. Non seulement, elle nous apprend que la croyance véhiculée par les traditionalistes de générations en générations repose sur des principes immuables, mais, de surcroît, elle est adressée à des malékites du Maghreb auxquels s’identifient bon nombre de francophones. Voici un extrait de la fatwa en question :

    … voici la question qui fut posée à l’ [Imam] Mâlik : « Hé Aboû `Abd-Allah ! [Le Miséricordieux, est sur Son Trône établi] [3] ; comment s’y est-Il établi ?
    - L’istiwâ nous est connu, répondit-il, mais le comment nous est inconnu (selon une version : Son istiwâ nous est connu ou bien compréhensible, mais le comment nous est incompréhensible), il incombe d’y donner foi, et de questionner à son sujet est une innovation. »
    [4]

    L’imam nous apprend que el-stiwâ existe bel et bien, bien que le mystère règne sur la manière dont il a lieu. Dans l’hypothèse où se serait le terme istiwâ sur lequel porterait ce mystère, il n’aurait pas pris la peine de dire : « le comment nous est inconnu » ; si el-istiwâ n’existait pas, la question « comment » ne se poserait même pas à fortiori. L’Imam reconnaît explicitement el-istiwâ, bien qu’il ne s’avance pas sur la question du comment. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle il taxe l’auteur de la question d’innovateur. La question porte en effet sur une chose connue. Ce n’est pas parce qu’une chose nous est connue que nous devons automatiquement en connaître les détails.

    Selon les savants malékites et d’autres, l’Imam Malik est l’auteur de ces paroles : « Allah est au ciel et Son savoir est partout. » [5] Celle-ci est recensée par Makkî connu sous le nom de Khatîb Qourtouba dans son exégèse (tafsîr) dans lequel il répertorie les paroles de Malik. Elle est retranscrite également par Aboû `Omar Talamankî, Aboû `Omar ibn `Abd-el-Barr, ibn Abî Zayd (el-Qayrawânî) dans el-Moukhtasar, et bien d’autres. Chez les non malékites, l’ont répertoriée également un nombre incalculable de savants tels que Ahmed ibn Hanbal, son fils `Abd-Allah, el-Athram, el-Khallâl, el-Ajourrî, ibn Batta, etc. Mâlik n’est d’ailleurs pas le premier à l’avoir prononcé, il fut devancé en effet par son Chaykh Rabî`a ibn `Abd -Rahmân, comme le rapporte Soufiân ibn `Ouyayna [6].

    Après avoir longuement établi la tendance des partisans des Noms et Attributs divins (ahl el-ithbât) et condamné celle des négateurs (noufât), `Abd-el-`Azîz ibn el-Mâjichoûn fait la conclusion suivante : « les critiques dans les ouvrages des savants malikites à l’encontre des négateurs jahmites sont notoires. » [7] De nombreux textes des grandes références et des prédécesseurs malikites qui entérinent la tendance d’ahl el-ithbât sont notoires. Ces derniers relatent même que les traditionalistes établissent à l’unanimité qu’Allah est Lui-même au-dessus de Son Trône. Quant à ibn Abî Zayd, il ne fait que confirmer la tendance des imans salafs et aucun imam malikite ne vient le contredire sur ce point. Il établit ce credo en introduction à sa « rissâla » en vue de le transmettre à tous les musulmans car il incombe à chacun aux yeux des références anciennes d’y adhérer. Ceux qui s’opposent à sa tendance parmi les générations récentes s’inspirent des néo-ach`arites à l’instar d’Aboû el-Ma`âlî el-Jouwaynî [8] et ses adeptes. Eux-mêmes s’inspirent des principes qu’ils ont en commun avec les mou`tazilites et les autres tendances jahmites.

    Les jahmites sont donc à l’origine de cette contestation. Quant aux imams salafs, ils sont unanimes à reconnaître les Noms et Attributs divins et ils condamnent en parallèle les négateurs. D’après el-Bayhaqî et d’autres par exemple, el-Awzâ`î affirme : « Nous et les tabi`în (les successeurs des Compagnons) sommes nombreux à dire qu’Allah est au-dessus de Son Trône et nous donnons foi aux Attributs rapportés par les textes de la sounna. » [9]



    A suivre…

    Par : Karim ZENTICI


    Notes de bas de page :

    [1] N’en déplaise aux rédacteurs du site : « la croyance sunnite : le Tahwid », rien dans les paroles de Dhahabî ne prêtent à dire qu’il va dans le sens de leurs croyances. Comment pourrait-il en être ainsi, lui qui est l’auteur de deux énormes ouvrages (el `Ouloû et el `Arch) qui répondent comme leur nom l’indique à la question : où est Dieu ? Pour leur défense, il est possible qu’ils ne fassent pas la différence entre la tendance Tafwîdh à laquelle ils adhèrent et qui consistent à laisser à Dieu le sens des mots et la tendance des Salafs qui consistent uniquement à laisser à Dieu le « comment » tout en ayant conscience du sens des mots ! Pour s’en convaincre, qu’ils lisent, simplement à titre d’exemple (en plus de celui qu’il propose dans leur site) tant les exemples sont nombreux : moukhtasar el `Ouolû de al-Albânî (141-143).
    [2] Le site « la croyance sunnite : le Tahwid » publie un autre article en date du 17/01/2008 et qui rapporte une fatwa d’un savant ach`arite à l’encontre des traditionalistes sur la question : où est Dieu ? Cette fatwa qui date de 1931 est contresigné par un groupe de savants de el-Azhar. C’est à croire que l’Histoire se répète car c’est justement devant les tribunaux égyptiens menés par les savants de l’époque qu’ibn Taymiya devait répondre de sa croyance.
    [3] Tâ-Hâ ; 5 Il est possible de dire pour el-istiwâ : Il S’est élevé sur/au-dessus de Son Trône (`Alâ et ista`lâ) ou Il S’est établi sur/au-dessus de Son Trône (Istaqarra).
    [4] Cette annale est rapportée par une multitude de savants. Chaykh `Abd-Razzâq el-`Abbâd lui consacre une étude dans laquelle il recense dix élèves différents de l’Imam Mâlik qui l’attribuent à ce dernier. Dans le pire des cas, ces chaînes narratives se renforcent les unes les autres pour atteindre le degré de Hasan (bon). Que dire alors si l’on sait que, comme le formule l’Imam Dhahabî (voir : notamment moukhtasar el `ouloû de al-Albânî p. 141) certaines ont un degré au-dessus ; autrement dit qu’elles sont Sahîh (authentique) ! (Voir el Athar el machhoûr `an el-imâm Mâlik fî sifa el istiwâ de `Abd-Razzâq el-`Abbâd).
    [5] Cette annale est authentique. Elle est rapportée notamment par Aboû Dâwoûd dans ses massâ’il (263), `Abd-Allah dans Sounna (1/106), el-Ajourrî dans Charî`a (3/1076), ibn Manda dans Tawhîd (3/307), ibn Abî Zayd el-Qayrawânî dans el-Jâmi` (141), ibn Batta dans el-Ibâna (3/152), Lalakâî dans charh oussoûl i`tiqâd ahl sounna (3/445), ibn `Abd-el-Bar dans Tamhîd (7/138), etc.
    [6] Rapporté par ibn Batta dans el-Ibâna (3/163), Lalakâî dans charh oussoûl i`tiqâd ahl sounna (3/422), el-Bayhaqî dans el-Asmâ wa Sifât (2/306), et Dhahabî dans el `Ouloû (2/911) ; Chaykh el-Albânî l’a authentifié dans moukhtasar el `ouloû (p. 132).
    [7] Voir : el-Hamawiya d’ibn Taymiya (310-311) et l’introduction à rissâla el-wâfiya d’Aboû `Amr Dânî.
    [8] Ce même Aboû el-Ma`âlî el-Jouwaynî reconnaît la valeur historique de la fameuse annale de l’Imam Mâlik dans el-`Aqîda Nadhâmiya (p. 25) indépendamment de la façon dont il a pu l’interpréter comme le souligne ibn Taymiya dans dour ta`ârud (5/249).
    [9] Rapporté par el-Bayhaqî dans el-Asmâ wa Sifât (2/303), et Dhahabî dans el-`ouloû (2/940) ; Chaykh el-Islâm ibn Taymiya a authentifié sa chaîne narrative dans Bayân talbîs el-jahmiya (2/37) et ibn Hajar el-`Asqalânî juge qu’elle est jayid (potable) dans Fath el-Bârî (13/406).


    © http://dourous.free.fr 2004-2007 - Tous droits réservés
    Pour toute utilisation du contenu autre que privée, veuillez en demander l'autorisation.