`Achoûra


Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

Chaykh el-Islâm ibn Taymiya fut interrogé sur certaines pratiques qui ont lieu à l’occasion de `Achoûra, il a alors répondu (voir : Majmoû` el-Fatâwâ (25/299-317) :

Louange à Allah, Seigneur de l’Univers ! Il n’existe aucun hadîth authentique sur le sujet qui proviendrait du Prophète ou de ses Compagnons. Aucune référence musulmane n’a recommandé de faire ce genre de pratiques ni parmi les Imams des quatre écoles ni personnes d’autres d’ailleurs. Aucun recueil de référence ne rapporte quoi que ce soit de ce genre ni de la part du Prophète ni de la part de ses Compagnons ou de leurs Successeurs ; ces recueils ne renferment sur la question aucune annale qu’elle soit faible ou authentique ni dans les Sahîh ni dans les Sunan ou encore dans les Mousnad. Aucun hadîth de ce genre ne fut recensé à l’époque de l’âge d’or musulman.

Néanmoins, certaines personnes des générations plus récentes rapportent certains hadîth de ce genre disant par exemple que quiconque se passe du Kouhoul le jour de `Achoûra sera préservé de la conjonctivite pendant toute l’année ou quiconque fait la grande ablution le jour de `Achoûra ne tombera pas malade pendant toute l’année, etc. D’autres annales (toutes aussi fausses ndt.) concernent les mérites de la « prière de `Achoûra » ; ce serait également le jour où Adam fit son repentir, le jour où l’arche de Noé échoua sur la montagne d’el-Joûdî, où Youcef retrouva son père, où Ibrâhîm fut sauvé du feu, où son fils fut remplacé par un bélier, etc. certains rapportent un Propos prophétique purement inventé disant : « Allah fait des largesses durant le reste de l’année à quiconque fait des largesses à sa famille le jour de `Achoûra. » cette version remontant au Prophète est complètement fausse bien qu’elle soit plus connue sous les paroles de Soufyân ibn `Uaïyna qu’il rapporte d’Ibrâhîm ibn Mouhammed ibn el-Mountachir, qu’il rapporte lui-même de son père. Ce fameux Ibrâhîm compte parmi les habitants de Koûfa connus pour s’être divisés en deux groupes ; les Rafidîtes qui se revendiquent être les partisans de `Alî alors qu’en réalité ils sont soit des Zindîq athées soit des ignorants qui se sont laissés envahir par les passions. L’autre tendance les Nâsibites, se mirent à détester le troisième Khalife et ses adeptes suite aux événements qui eurent lieu à son époque.

Or, il est certifié dans Sahîh Mouslim que le Prophète a déclaré : « Il y aura dans la tribu de Thaqîf un grand menteur et un tyran (mot-à-mot il convient de dire un exterminateur ndt.) » Le grand menteur c’est el-Moukhtâr ibn `Oubayd Thaqafî qui s’est fait passer pour un partisan de `Alî avant de revendiquer qu’il recevait la Révélation de la part de Djibrîl. Le tyran s’incarne en la personne d’el-Hajjâj ibn Yoûssaf Thaqafî qui en raison de son opposition à `Alî et à ses partisans comptait parmi les Nâsibites. Pour avoir revendiquer la prophétie, le premier de ces deux hommes, un Rafidîte, était plus éloigné des préceptes de la religion que l’autre qui incarnait la punition céleste à l’encontre de tout rebelle s’étant révolté contre les autorités en place. Il y avait à Koûfa des troubles entre ces deux groupes dont la mort d’el-Hussayn (radiya Allahou `anhou), le jour de `Achoûra est l’un des épisodes. Allah lui a ainsi fait l’honneur du martyr comme il l’a fait à d’autres membres de sa famille à l’exemple de son père, de Ja`far, et de Hamza.

A travers cela, il a gagné en degré et en mérite en sachant que lui et son frère sont les maîtres de la jeunesse au Paradis. Les hauts échelons du Paradis ne s’acquièrent qu’à travers de dures épreuves. Les soi-disant partisans d’el-Hussayn l’ont vilement abandonné après lui avoir promis leur soutient alors que les vrais alliés d’el-Hussayn à l’exemple d’ibn `Abbâs et d’ibn `Omar lui avaient conseillé de ne pas se rendre chez ces gens-là. Il y a eu ensuite ce qui devait arriver. Par la suite, ces mêmes soi-disant partisans ont fait de `Achoûra un jour de deuil au cours desquels ils exhibent des pratiques de l’ère païennes comme le fait de se griffer le visage, de se déchirer les vêtements, et de se faire les condoléances à la manière du paganisme. L’Islam nous ordonne pourtant de dire en cas de malheur : « Nous sommes à Allah et s’est vers Lui que nous retournons ! »

Dans ce registre, le Prophète a affirmé : « Quiconque se griffe le visage, se déchire les vêtements et profèrent des invocations païennes ne fait pas partie des nôtres. » Il a préconisé par ailleurs : « Il n’y a pas un homme qui après avoir subit un malheur et qui s’en étant rappelé après une certaine période prononcent : Nous sommes à Allah et s’est vers Lui que nous retournons, sans qu’Allah lui offre la même récompense que le jour où il l’a subit. » C’est une faveur que le Seigneur fait grâce au croyant. C’est pourquoi il incombe de prononcer cette formule toutes les fois où la mort d’el-Hussayn nous vient en mémoire afin de recevoir la même récompense que lui le jour où il a connu le martyr. Allah nous impose d’endurer et de patienter immédiatement après avoir subit un malheur ; il incombe d’autant plus de patienter après une longue période.

En faisant revivre cet événement à travers les pleurs, les poésies mélancoliques, et les annales historiques qu’ils enrobent de mensonges, ils ne font que rouvrir les plaies et cultiver la haine et le fanatisme entre les musulmans ; surtout s’ils en profitent pour injurier les anciens et les prédécesseurs… à l’inverse et en réaction à ce mal, leurs adversaires Nâsibites ont rendu le mal par le mal, l’hérésie par l’hérésie, le mensonge par le mensonge, la corruption par la corruption. Ils ont ainsi inventé des textes disant que `Achoûra est l’occasion d’exprimer la gaité et la joie à travers le Kouhoul, le « henné », les dépenses pour les enfants, les plats faits spécialement pour les grandes occasions et les fêtes, etc.

Ainsi les uns prennent `Achoûra pour un jour de deuil et les autres le prennent pour un jour de fête alors que les deux parties sont littéralement opposée à la Sounna ; bien que la première d’entre elle soit plus perfide et plus injuste, l’Islam nous commande malgré tout de rester juste. Ni le Messager d’Allah ni les Khalifes après lui n’ont légiféré quoi que ce soit de ce genre le jour de `Achoûra ; ce n’est ni un jour de deuil ni un jour de fête. Cependant, arrivé à Médine, le Messager d’Allah trouva les juifs en train de jeûner le jour de `Achoûra. Dès lors, il les interrogea en ces termes : « Quel est ce jour que vous consacrez au jeûne ?
- C’est un jour illustre, ont-ils répondu, il correspond au jour où Allah sauva Moûssâ et son peuple des mains de Pharaon et de son armée qu’Il fit périr sous les eaux. Moûssâ lui consacra alors un jour de jeûne par reconnaissance envers Allah, c’est pourquoi nous jeûnons ce fameux jour.
- Nous sommes plus dignes de Moûssâ que vous, leur a-t-il répondu. »

Les Quraychites encensaient également ce jour au temps du paganisme. Au début, il ordonna aux gens de jeûner un seul jour. Sa venue à Médine correspondait au mois de Rabî` el-Awwal. Il dut attendre l’année suivante pour jeûner `Achoûra ; cette même année le jeûne du mois de Ramadân fut prescrit. C’est ainsi que le jeûne de `Achoûra fut abrogé.

Les savants ont toutefois divergé sur la question de savoir si dans un premier temps, le jeûne de `Achoûra était obligatoire ou simplement recommandé. Il existe deux tendances connues sur la question dont la plus vraisemblable est celle qui lui donnait un aspect obligatoire. Par la suite, il fut simplement recommandé de jeûner pour celui qui voulait le faire. Le Prophète n’a pas ordonné à tout le monde de jeûner ce fameux jour mais il s’est contenté de dire : « Aujourd’hui c’est `Achoûra et moi je jeûne aujourd’hui, quiconque veut jeûner n’a qu’à le faire. » Il a dit par ailleurs : « Jeûner le jour de `Achoûra permet d’effacer une année de péchés tandis que jeûner le jour de `Arafa permet d’effacer deux années de péchés. »
A la fin de sa vie cependant, il a appris que les juifs consacraient un jour de fête à l’occasion de `Achoûra, c’est pourquoi il affirma en vue de se distinguer des juifs : « Si je suis encore en vie l’an prochain, je jeûnerais également le neuf » Il ne voulait pas donner l’impression qu’il lui consacrait également un jour de fête. Certains Compagnons et certains savants préféraient ne pas jeûner à cette occasion ; ils considéraient qu’il n’était pas spécialement recommandé d’y jeûner. Ils pensaient qu’il était plutôt déconseillé d’y consacrer un seul jour de jeûne. D’autres savants estiment à l’inverse qu’il est recommandé d’y jeûner.

En vérité, il est recommandé d’y jeûner à condition de jeûner auparavant le neuvième jour de Mouharram étant donné que cela correspond au dernier ordre du Prophète sur la question. Voici donc ce que veut la Tradition. Quant à consacrer certaines pratiques à l’occasion de `Achoûra comme le fait de sacrifier une bête, de mettre du Kouhoul, du henné, des vêtements neufs, de donner de l’argent aux enfants, de faire les réserves de l’année, de se serrer exprès la main, de se visiter, de visiter les mosquées ou les mausolées, etc. cela relève de l’innovation condamnable que le Prophète n’a jamais légiférée ni lui ni les Khalifes après lui. Aucune grande référence à l’instar de Mâlik, Thawrî, Layth ibn Sa`d, Aboû Hanîfa, el-Awzâ`î, Châfi`î, Ahmed ibn Hanbal, Ishaq ibn Râhawâ, etc. ne l’a jamais recommandé. Certains savants parmi les dernières générations assument certes que certaines annales sur la question ont une origine. Mais en cela, ils ont tords comme le confirment les spécialistes en la matière…

Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

Extraits de : Latâif el Ma’ârif fîmâ el ‘Am min el Wazhâif d’ibn Radjab.

Par Karim ZENTICI (pour Islamhouse)

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