LA SALAFIYA (1ère partie)

Extrait de "Koun Salafiyan `alâ al-Djadda" de chaykh `Abd-Salâm Souhaymî


Allah a envoyé Son Prophète Mohammed à l’humanité par miséricorde : (Nous ne t’avons envoyé à l’humanité si ce n’est par miséricorde) [1]. Par ailleurs, Il a fait de sa nation une nation Médiane : (Ainsi, Nous avons fait de vous une nation médiane afin que vous soyez les témoins à l’encontre de l’humanité et que le Messager soit le témoin à votre encontre) [2]. Autrement dit, ils sont justes et ils ne dévient pas de la vérité en se tenant entre le rigorisme (Ifrât) et le laxisme (Tafrît) ; ils s’en tiennent plutôt à la modération et à la juste mesure. L’Islam interdit à la fois l’excès de rigueur et le manque de rigueur (le trop et le trop peu). Il commande la modération et le juste équilibre dans toute chose. Parmi les particularités les plus caractéristiques de cette religion, c’est sa justice et son équité. Il condamne l’injustice et prône de juger selon la balance de la justice.

Le plus grand exemple de modération au niveau des paroles, des actes, et des convictions, c’est la modération que l’Islam nous apporte. Les plus grands représentant de surcroît de cette modération, ce sont les traditionalistes. Ils représentent l’Islam à tous les niveaux en prenant le Prophète et les nobles Khalifes en exemple, conformément aux enseignements du Coran et de la Sunna, selon la compréhension des anciens de cette communauté. Ils sont ainsi les premiers à être concernés par cette fameuse modération. Bien que la modération dans tous les sens du terme concerne en premier lieu la communauté musulmane dans son ensemble, les traditionalistes s’en arrachent cependant la part la plus importante et la plus éminente.

Ils sont en effet, le modèle parfait pour la communauté qu’Allah a rendu médiane en l’occurrence. Il nous informe donc qu’elle est la meilleure nation parvenue aux hommes étant donné qu’elle est la seule tendance qui se soit parfaitement conformée au Livre d’Allah (Djalâ Djalalouh) et à la Tradition de Son Messager contrairement aux autres tendances et sectes affiliées à cette communauté. Toutes les sectes sans exception affichent une opposition au Coran et à la Sunna dans la croyance ou le discours [3]. C’est pourquoi, les traditionalistes sont les meilleurs éléments de cette communauté. Ils constituent la tendance médiane au milieu des autres tendances ; ils méritent ainsi d’être « le Groupe Sauvegardé » et « la Secte Sauvée » [4] Chaykh el-Islâm ibn Taymiya – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Ils se trouvent au milieu entre les différentes tendances comme l’Islam est au milieu entre les autres croyances. » [5].

Il est notoire que les traditionalistes correspondent aux Compagnons du Messager d’Allah , et à leurs fidèles successeurs à travers les siècles, ceux qui suivent leur voie jusqu’à la fin des temps. Les traditionalistes ne se sont pas fait appelés « les gens de la Tradition et de l’Union » si ce n’est après l’apparition des innovations et la multiplication des sectes égarées. Chacune prêche son hérésie et ses passions bien qu’elles soient toutes affiliées à l’Islam, ou pour le moins en apparence. Dès lors, les représentants de la vérité ont pris conscience qu’ils devaient se distinguer dans leur désignation au niveau du dogme, de celles des innovateurs et dissidents. Ils se sont ainsi trouvés des noms légitimes, qui furent inspirés des Textes Sacrés. Ils se sont fait appeler notamment « Les gens de la Sunna » « Ahl Sounna wa el-Djamâ`a » « Al Firqa Nâdjiya » « Tâ'ifa el-Mansoûra » « Ahl el-Hadîth wa el-Athar ».

Or, certaines sectes innovatrices se sont faites appelées Ahl Sounna bien que leur croyance était contraire à celle des anciens (les ash`arites en l’occurrence ndt.). En réaction à cela, les traditionalistes se sont baptisés les « Salafiyoûn » et ont intitulé leur prêche la « Da`wa salafiya ». Ils ont restreint l’appartenance au Coran et à la Sounna, à la compréhension des pieux prédécesseurs qu’incarnent les Compagnons, les Tabi`îns, et leurs fidèles successeurs. Connus pour leur conformité à la Sounna, ils en sont devenus les références. Ils se distinguent ainsi pour s’éloigner de la Bid`a (l’Innovation) et pour mettre en garde contre celle-ci.

Nous avons reçu l’ordre de suivre les traces des Compagnons, de se suffire à celles-ci, et d’emprunter leur chemin. Allah révèle (soubhânahou wa ta`âla) : (Et suis le chemin de celui qui revient à Moi) [6]. Ibn el-Qayim – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Chaque Compagnon a la vertu de revenir à Allah, il incombe donc de suivre leur chemin. Leurs paroles et leurs croyances caractérisent le mieux leur chemin à suivre. La preuve qu’ils reviennent à Allah, c’est qu’il les a guidés. Il a révélé en effet : (Il guide vers Lui celui qui revient à Lui). [7] » [8]. Or, le Seigneur a donné son agrément aux Compagnons et à leurs fidèles successeurs comme Il le dit : (Les précurseurs et les premiers parmi les Emigrés, les Auxiliaires, et ceux qui les suivent de la plus belle façon, Allah les agréé et eux l’agréent. Il leur a préparé des jardins en dessous desquels coulent les rivières et où ils demeurent à jamais ; tel est le succès immense) [9].

En se dénommant salafiyûn, les traditionalistes ne commettent nullement une innovation étant donné que le terme Salaf désigne expressément le terme Ahl Sounna wa el-Djamâ`a. Pour s’en apercevoir, il suffit de faire correspondre ces deux termes aux Compagnons. Ils sont en effet à la fois les Pieux Prédécesseurs et les porteurs de la Tradition [10]. De la même façon qu’il est pertinent de se faire appeler Sounnî pour être affilié à la Sounna (la Tradition), il en est ainsi pour le terme Salafî pour être affilié aux Salafs (les anciens) ; il n’y a donc aucune différence entre les deux appellations [11] ! Après l’apparition des sectes et des divisions dans les rangs des musulmans, le terme Salafî correspond parfaitement à quiconque préserve sa croyance saine et une voie pure conformément à la compréhension des Compagnons et des glorieuses générations. La définition de Salafî est ainsi synonyme des autres appellations légitimes servant à désigner les traditionalistes.

Prêcher le chemin des anciens à travers la « Da`wa salafiya », c’est inviter en fin de compte à suivre le vrai Islam et la vraie Sunna qui s’illustre dans le retour aux sources de la religion comme celle-ci a été révélé au Prophète , et transmise ensuite de sa part aux nobles Compagnons. Nul doute que cette tendance appelle à la vérité et que l’on peut s’y affilier en toute vérité. Chaykh el-Islâm ibn Taymiya a expliqué : « Il n’y a aucun mal à afficher la tendance des anciens (Salaf), de s’y affilier, ou d’en être fier. Il est même un devoir d’approuver l’auteur d’une telle initiative car la tendance des anciens ne peut que correspondre à la vérité. ». Le roi `Abd-el-`Azîz ibn `Abd-Rahmân Al-Saoud, le fondateur de la nouvelle dynastie saoudienne (vers 1880-1953) a souligné au cours d’un discours prononcé à l’occasion du Pèlerinage (en 1365 h.) : « Je suis un Salafî, mon dogme (croyance) est Salafî en me conformant ainsi au Coran et à la Sunna ». Il a déclaré également dans ce même discours : « Ils disent que nous sommes des Wahhabîtes alors qu’en réalité nous sommes des Salafîtes dont le souci constant est de préserver notre religion. Nous suivons le Livre d’Allah et la Tradition de Son Messager. Il n’y a rien d’autres entre nous et les musulmans si ce n’est le Livre d’Allah et la Tradition de Son Messager » [12].

Les grandes références de l’Islam parmi les traditionalistes avaient un grand impact au niveau du prêche qui était basé sur le retour à la Tradition et au chemin des anciens. Celles-ci revendiquaient de se conformer et d’être fidèles à leurs principes. Le premier monarque de l’état saoudien souligne à cet effet : « … Le chemin que nous suivons, c’est celui des Pieux Prédécesseurs, et nous ne condamnons personne d’apostasie en dehors de la personne condamnée comme telle par Allah et Son Messager. Il n’y a pas d’autre école que celle des Pieux Prédécesseurs. Nous ne privilégions pas une école sur une autre ; Aboû Hanîfa, Mâlik, Châfi`î, et Ahmed sont nos Imams tous autant qu’ils sont. »

Si l’explication de ce point fut quelque peu longue, c’est en raison des critiques que l’on peut entendre ou lire ici et là sur la Salafiya et le fait de se faire appeler Salafî. Certains prétendent même qu’elle est un mouvement Hizbi [13] au même titre que certaines tendances contemporaines. D’autres assument sans scrupule que Mohammed ibn `Abd-el-Wahhâb en serait le fondateur. En fait, cet homme n’était qu’un prêcheur salafî parmi tant d’autres, et l’un de ses réformateurs (dans le sens laudatif du terme ndt.). Il lui a redonné son rayonnement après s’être estompée et lui a rendu sa pureté dans la Péninsule Arabique après avoir été entachée et dominée par l’innovation et les superstitions.
Ces attaques dont le but est de jeter le discrédit sur cette tendance, sont diffamatoires, injustes, et contraires à la réalité. Elles sont l’œuvre de certains responsables politiques mais aussi de certains écrivains occidentaux ayant ouvert un front contre l’islam. Le sionisme se cache (souvent) derrières ces initiatives. Malheureusement, certains auteurs influencés par ces derniers prennent le relais dans certains de nos pays. Ils contribuent ainsi à cette campagne de diffamation et de désinformation. Or, la Salafiya est la tendance qui prend le plus de recul face à des questions aussi graves que celle du Takfîr (taxer autrui de mécréant), du Tabdî` (taxer autrui d’innovateur), et du Tafsîq (taxer autrui de pervers), sans preuve à l’appui. Elle n’a aucun lien avec le rigorisme et l’extrémisme. On veut simplement lui coller des accusations dont elle est complètement innocente, et des particularités qui ne font absolument pas parties de ses principes. Cela a eu pour conséquence d’entacher sa réputation, de déformer la réalité, de détourner et d’éloigner les gens de son prêche.

L’un des plus grands facteurs ayant contribué à ce phénomène, c’est la présence dans les rangs des mouvements islamistes (Hizbi) contemporains influencés par la pensée Kharijite, de certains leaders et têtes pensantes qui s’accordent avec le Manhadj Salafî, pour le moins dans certaines questions, et orientations. Certains d’entre eux tiennent même un discours au nom de la Salafiya. Etant donné qu’ils n’en sont pas les partisans, ils contribuent à faire régner la confusion dans l’esprit de beaucoup de gens. Loin de pénétrer la réalité des choses, les gens s’imaginent que ces mouvements sont légitimes ou qu’ils adhèrent à la pensée Wahhâbite comme certains s’initient à la nommer ainsi.

Il est incroyable de pouvoir confondre les mouvements Hizbi avec la Da`wa Salafiya, en les qualifiant de mouvements Salafistes Jihâdistes ! Ils lui sont pourtant radicalement opposés dans la `Aqîda et le Manhadj ! Comment d’ailleurs peuvent-ils s’ériger en Jihâdistes alors que ces mouvements ont dépourvu le Jihâd de son sens légitime au regard de la Loi divine (Charî`a) étant donné qu’ils ne remplissent nullement les conditions requises pour le revendiquer. Il faut retenir le sens et la réalité des choses non le nom et les slogans qu’on leur donne (ou qui les enrobent). Il ne faut donc pas sombrer dans la confusion et l’égarement qui règnent sur le terrain islamique aujourd’hui.

Il incombe néanmoins de concentrer les efforts à purifier l’Islam des éléments intrus qu’on lui accole comme il incombe d’éduquer la jeunesse musulmane à la religion véritable qui puise ses enseignements à partir d’une source pure : le Coran et la Sounna conformément à la compréhension des anciens de cette communauté en l’occurrence. Il incombe notamment de prendre la défense de l’Islam et de le présenter sous son aspect véritable. Allah a fait grâce à la communauté de Son Prophète Mohammed de lui parachever sa religion et de lui parfaire de Ses Bienfaits. Il lui a agréé l’Islam comme religion qui a la particularité de ne tolérer aucune autre confession : (Aujourd’hui, Je vous ai parachevé votre religion, Je vous ai parfait de Mes Bienfaits, et je vous ai agréé l’Islam comme religion) [16].
Le Seigneur (soubhânahou wa ta`âla) a aussi révélé : (Voici Mon Chemin Droit alors empruntez-le et ne suivez pas les sentiers qui vous feront dévier de sa voie) [17]. Ibn el-Qayim – qu’Allah lui fasse miséricorde – a fait le commentaire suivant : « Un seul chemin mène à Allah. Il correspond à la révélation et aux Livres qu’Il a descendus aux envoyés. Il n’est pas possible de parvenir à lui si ce n’est par ce chemin. Si les hommes affluaient de toutes les routes et s’ils frappaient à toutes les portes, ces routes leur seront toutes obstruées et ces portes leur seront toutes fermées, à l’exception d’une seule route ; celle-ci est reliée et mène directement à Allah » [18].

Ibn Mas`oûd a souligné : « Suivez le chemin et ne vous aventurez pas à innover, car il vous a déjà été tracé. » [19]. L’Imam Ahmed a établi dans ce chapitre – qu’Allah lui fasse miséricorde – : « Les fondements de la Tradition chez nous consistent à s’attacher au chemin des Compagnons du Messager d’Allah , de les suivre et de s’éloigner des innovations » [20]. Il incombe ainsi à tout musulman de : « se conformer à la Sunna selon la compréhension des pieux prédécesseurs ».

Traduit par Karim ZENTICI

Notes de bas de page :

[1] Coran : Les Prophètes ; 107
[2] Coran : La vache ; 143
[3] Chaykh el-Islâm ibn Taymiya a dit à ce sujet : « La vérité pure celle qui n’est entaché par aucune souillure, se trouve avec les gens de la Tradition et de l’Union. Ce constat notoire a été possible après une étude approfondie sur les différentes croyances et les principes des différentes tendances. » Voir : Tarîq el Wusûl ilâ el `Ilm el Ma-mûl (p. 22).
[4] Voir Wasatiya Ahl Sunna bayna el Firaq (p. 287).
[5] Al-Fatâwâ (140/4).
[6] Coran : Luqmân ; 15
[7] Coran : La concertation ; 13.
[8] I’lâm el Mawqi’în (120/4).
[9] Coran : Le repentir ; 100
[10] Voir Mawqif Ahl e-Sunna wa el Jamâ’a min Ahl el Ahwâ wa el Bida’ (p. 63/1).
[11] Idem.
[12] El Mushaf wa e-Saïf (135-136).
[13] Que l’on pourrait traduire dans ce contexte par le terme d’islamisme qui a servi à désigner dès le début des années 1980, les mouvements politiques et militants qui se réclament de l’Islam pour contester l’ordre social et les régimes en place dans le monde musulmans. [Voir : l’Islam imaginaire de Thomas Deltombe p. 142]. Ces mouvements s’inscrivent dans la continuité des mouvements de libération nationaux et révolutionnaires qui puisent leurs racines au 19ème siècle, et qui se sont formés sous l’impulsion de penseurs réformateurs tels que Djamal-Dîn el-Afghânî et Mohammed `Abdoû. L’idée fût d’émanciper les pays du « tiers-monde », dont les terres musulmanes composent une bonne partie, et de les libérer du joug de l’impérialisme occidental, en utilisant les mêmes moyens – dit modernes – avec lesquels leurs propres colonisateurs se sont émancipés du despotisme des grandes monarchies européennes et de l’Eglise, inspirés qu’ils furent par les ténors de la Révolution Française à l’instar de Rousseau, Diderot, et Voltaire à l’époque dite « des Lumières ». Fondation d’un parti politique, adhésion au parlement, inscription dans le jeu de la démocratie, et éventuellement manifestation, boycot, grève de la faim, adhésion à des slogans tels que « la fin justifie les moyens », et sous une forme plus radicale révolution, coup d’état, et terrorisme font partis du nouveau registre et du nouveau vocabulaire auquel se réclament les néo-contestataires musulmans dont les Kharijites sont les ancêtres. Il faut donc distinguer entre un salafisme légaliste qui reconnaît l’autorité des régimes en place sans pour autant adhérer à leurs systèmes et un pseudo salafisme Harakî, l’une des branches travesties des Frères Musulmans, chez laquelle l’activisme politique fait loi. (N. du T.)
[14] L’animosité des Juifs et des chrétiens à l’encontre de l’Islam et des musulmans n’est pas nouvelle comme le Seigneur le révèle : (les Juifs et les chrétiens ne pourront t’agréer tant que tu ne suivras pas leur confession).
[15] Bien qu’ils s’opposent à celui-ci dans bon nombre de points en relation avec la `Aqîda (croyance) et le Manhaji (chemin à suivre).
[16] Coran : Le Repas Céleste ; 3
[17] Coran : Le bétail ; 153
[18] Tafsîr el Qaïyam (14-15).
[19] Cette traduction est approximative. Mot à mot il faudrait dire : « Suivez et n’innovez pas, cela vous suffit largement. » (N. du T.)

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